Aujourd’hui comme souvent, un « débutant » en photographie est venu demander des conseils dans un des groupes photo d’un réseau social. Il souhaite acquérir son premier « vrai boitier photo » et ne fait des photos qu’avec son smartphone. Comme souvent, il n’a pas vraiment de spécialité et souhaite tester un peu tous les domaines : portrait, paysage, sport,… Évidemment, la majorité des conseils l’orientent vers du matériel de « débutant » ;
- un kit reflex entrée de gamme (4000D ou 2000D avec son 18-55mm f/3.5-5.6 à 350 et 500 €)
- le fameux 50mm f/1.8, pour le portrait (150 €)
- le 70-300mm f/4-5.6 (500 €) pour avoir un peu d’allonge.
Toutes les bourses n’étant pas les mêmes, l’achat du kit à 500 € pourrait déjà paraître très cher à certains, surtout pour débuter. Alors proposer des options pour un ensemble montant à 1 150 € semble tout à fait raisonnable.
L’histoire s’arrêterait la si personne n’avait eu la bonne idée de lui demander son budget. Sauf que la réponse à cette question fut « environ 4 000 € ». Je vous passe les réponses du type « mais vous êtes fou, c’est trop » : manifestement ce « débutant » avait réfléchi à la question du budget et avait pas mal de moyens pour débuter un loisir. Cela devient intéressant lorsqu’on lui propose un plein format hybride (EOS R), avec un couple d’objectifs du type 24-70 f/4 et 70-200 f/4, que l’on pourrait juger de matériel « pro ». Si la majorité des participants s’insurge alors contre cette débauche de technologies, les critiques sont majoritairement dirigées vers le boitier, jugé « professionnel », « compliqué », trop « haut de gamme » (l’importance des bonnes optiques semble être bien ancrée).
Débuter par un matériel « pro » ou « haut de gamme » est-il vraiment compliqué ? Combien est-ce que ça coûte ? Pour tenter d’apporter un éclairage, je vais comparer ces deux appareils photos d’un point de vue « usage débutant ». J’aborde dans un premier temps les manuels, puis dans un second temps je me pencherai sur la facilité d’usage des boîtiers et leurs menus. Je parlerai ensuite brièvement des performances de ces boitiers. Enfin, je ferai un comparatif de budget nécessaire pour atteindre une configuration « haut de gamme », en l’achetant directement ou en partant du « bas de gamme ». Les usages vidéo ne seront pas abordés.
Les manuels
Dans ce paragraphe, je vais comparer les manuels des deux appareils sur quelques points. Commencer par lire le manuel peut paraître anecdotique, mais les réponses d’une majorité des questions techniques posées sur les forums s’y trouvent.
La taille
Comparons la taille des manuels pour ces deux appareils :
- Le manuel de l’EOS R, disponible ICI sur le site de Canon, fait 644 pages ;
- Le manuel de l’EOS 4000D, disponible ICI, fait 322 pages, soit exactement la moitié.
La différence existe donc et elle est significative. Comme nous allons le voir, cette différence de taille est directement liée aux fonctions proposées par les 2 appareils.
Le contenu
La prise en main
Les deux manuels sont assez équivalents. Le constructeur présente dans chacun une introduction, dans laquelle figure en particulier le guide de démarrage rapide sur 2 pages ainsi que l’index des fonctions de l’appareils photos. Remarquons que le manuel de l’EOS R consacre 2 fois plus de pages (4 au lieu de 2) pour lister les fonctions disponibles, ce qui reflète les possibilités d’un boitier plus avancé.
La prise de vue et la lecture d’image
Le manuel du 4000D consacre 4 chapitres à la prise de vue et à l’affichage des images prises :
- « Prise de vue élémentaire et lecture des images » (25 pages) : présentation des modes « intelligents » (auto, créatif auto, portraits, paysages, gros-plan, sujet en mouvement, prise de vue d’aliments et portraits de nuit) ainsi qu’une présentation basique de la lecture des images prises.
- « Prise de vue créative » (21 pages) : présentation du mode « P » et entrée en matière dans les premières notions de photo (qualité d’enregistrement des photos, ISO, autofocus, rafale)
- « Prise de vue avancées » (31 pages) : présentation des modes semi-automatiques (Tv et Av) et du mode manuel (M) ainsi que de fonctions avancées (bracketing, verrouillage de l’exposition, balance des blancs).
- « Lecture des images » (27 pages) : présentation de toutes les fonctions de lecture des images (recherche rapide, agrandissement, rotation, classement, diaporama, protection, effacement, affichage des informations de prise de vue).
De son côté, le manuel de l’EOS R consacre 3 chapitres à ces sujets, mais l’organisation est sensiblement différente :
- « Prise de photos » (117 pages) : présentation successive de toutes les possibilités et fonctions de prise de vue (qualité d’image, ISO, style d’image, balance des blancs, réduction de bruit, priorité hautes lumières, réduction du scintillement, espace couleur, durée de revue des images, délai de mesure, simulation d’exposition, mode de prise de vue Auto, P, Tv, Av, M, Fv, mode d’acquisition, visée silencieuse, déclenchement silencieux, mode de mesure, bracketing, verrouillage de l’exposition, mode BULB, HDR, utilisation de la télécommande et flash).
- « Autofocus » (45 pages) : présentation de toutes les possibilités de l’AF (fonctionnement, méthode d’AF, collimateurs, mise au point sur les yeux, AF en continu,…).
- « Lecture » (59 pages) : idem par rapport au 4000D, mais avec davantage de fonctions.
Le manuel de l’EOS R consacre 231 pages aux fonctions « prises en vue » et « affichage des images » contre 104 pour celui du 4000D. Cette différence est importante et reflète les possibilités supplémentaires de l’EOS R.
Les approches des 2 manuels sont donc assez différentes. Le manuel du 4000D propose une voie plus pédagogique, et présente les fonctions dans un ordre de complexité croissante. De son côté, celui de l’EOS R avance thème par thème, en les détaillant à chaque fois et sans remettre à plus tard des notions complexes. L’approche du manuel de l’EOS R semble pousser davantage à la curiosité. Par exemple dans les sommaires des manuels, les modes « semi-automatiques » (Av et Tv) sont juste 5 lignes sous le mode « auto » et dans le même chapitre pour l’EOS R, tandis qu’ils sont une page et deux chapitres plus loin pour l’EOS 4000D.
Bilan sur les manuels
Les deux manuels sont très bien écrits et les illustrations sont claires. À cause des différences d’approches, je pense qu’il sera un peu plus difficile à un photographe débutant lisant le manuel de l’EOS R de s’arrêter aux informations « immédiatement nécessaires » pour son usage, Toutefois, la rédaction du manuel de l’EOS R a l’avantage de pousser le lecteur à être curieux, ce qui est un atout pour progresser.
L’ergonomie
Après avoir fait le tour des manuels, consacrons-nous maintenant à l’ergonomie de ces deux boitiers.
Vue d’ensemble
D’après Canon, l’EOS R mesure 136 x 98 x 84 mm pour un poids d’environ 580 grammes (sans sa bague d’adaptation pour monture EF/EF-S), tandis que le 4000D est donné pour 129 x 102 x 77 mm et 436 grammes.
Ces deux boîtiers ont donc des dimensions sensiblement identiques et 150 grammes les séparent. Ces différences ne vont donc pas jouer beaucoup.
De face, quelques différences « fonctionnelles » sont visibles. Le bouton de déclenchement, la molette principale et la molette de changement de mode sont visibles sur les deux appareils. L’EOS R présente par contre son bouton on/off sur sa gauche, tandis que le 4000D laisse apparaître un flash intégré, non présent sur l’EOS R.
De dos
De dos, les deux appareils sont assez semblables. En plus des 4 touches directionnelles et de la touche « set », le 4000D présente 8 boutons, tandis que l’EOS R en compte 7. L’EOS R possède également sa fameuse « barre multifonction » tactile, qui devait être une belle innovation mais qui n’est finalement pas pratique du tout. La majorité des photographes semble l’avoir désactivée.
La différence principale est la présence de la molette de contrôle rapide sur l’EOS R (au-dessus de la touche AF ON, cette molette permet aussi de changer de mode). La présence d’une deuxième molette (en plus de la molette principale qui tombe sur l’index droit) est un véritable avantage sur un appareil photo, puisqu’elle permet des réglages plus rapides. En particulier dans les modes semi-automatiques (Tv, Av) et manuel (M), elle permet de changer un deuxième paramètre d’exposition directement avec le pouce : la correction d’exposition pour les modes semi-auto et par défaut l’ouverture en mode manuel. Sur le 4000D, il est nécessaire d’appuyer avec le pouce sur un bouton tout en tournant la molette principale avec l’index pour changer ce deuxième paramètre.
De dessus
Deux différences sautent aux yeux : la présence d’un écran sur l’EOS R ainsi que de 4 boutons supplémentaires (dont un sert uniquement à gérer l’éclairage de l’écran et l’autre au déclenchement vidéo). Cet écran permet de visualiser d’un seul coup l’état des réglages principaux. Il propose également un indicateur d’exposition, qui rend bien service.
Ce n’est pas visible sur cette photo, mais l’EOS R (comme le 5D 4) ne propose pas de mode « créatif » de type portrait, paysage, macro,… Cela va obliger le débutant à comprendre les notions essentielles que sont ouverture et vitesse.
Les menus
Comparons maintenant les menus de ces deux appareils :
Tous les menus des appareils Canon sont découpés de la même façon, avec une bande d’onglets dans la partie supérieure présentant, dans l’ordre : réglages de la prise de vue, l’autofocus, la lecture, la partie « configuration », « fonctions personnalisées » puis « mon menu » (qui est une partie personnalisable). Dans le menu du 4000D, à gauche, les parties « prise de vue » et « autofocus » sont regroupés dans la partie rouge, puis la partie « lecture » en bleu, « configuration » et « fonctions personnalisées » en jaune et « mon menu » en vert. L’EOS R conserve la même logique, mais a découpé chaque partie en onglets secondaires, repéré par un chiffre.
Notons tout de suite que l’EOS R présente 26 onglets secondaires répartis sous les 6 onglets principaux, tandis que le 4000D en affiche 9 (partie « mon menu » exclue) : l’EOS R présentant davantage de fonctionnalité et de finesse de réglage, il faut bien les faire rentrer quelque part. Toutefois, Canon a réussi à ne pas transformer cette multitude de fonctions en complexité. Il reste très facile d’aller d’un onglet à un autre et d’accéder aux réglages recherchés,
Le gros avantage de l’EOS R dans ce domaine est son écran tactile, qui permet d’aller dans n’importe quel onglet secondaire en seulement 2 tapotages, alors qu’il faudra déployer davantage d’effort sur le 4000D en utilisant les boutons. Toutefois, grâce à l’ajout des onglets secondaires, la manipulation de l’EOS R reste aussi accessible que celle du 4000D, en particulier grâce à sa molette secondaire.
Bilan sur l’ergonomie
Un boitier « haut de gamme » comme l’EOS R ne ressemble pas au cockpit d’un avion et présente presque autant de « boutons » que celui du 4000D. Les différences résident principalement dans la présence d’un écran en haut du boitier ainsi qu’une molette secondaire supplémentaire bien pratique.
L’avantage de l’écran tactile de l’EOS R est indéniable, mais les menus « à la Canon » restent très accessibles, même avec les boutons/molettes sur ces deux types de boitiers.
À l’usage, le boitier « haut de gamme » gagne haut la main, même pour un utilisateur « débutant ».
Performances
Dans cette partie, je vais aborder quelques performances « clés » pour un débutant. Mais sans surprise, ces boitiers n’ont absolument rien à voir, si ce n’est qu’ils prennent tous les deux des photos.
Qualité d’image
L’EOS R est doté d’un capteur plein format (taille de 36*24mm) d’environ 30 Mpx, tandis que le 4000D a un capteur APS-C plus petit (22.3*14.9mm) de 18 Mpx. Cela induit deux différences majeures :
- Chaque « pixel » de l’EOS R a une surface 50% plus grande que ceux du 4000D : pour le même temps d’exposition et la même ouverture, un pixel de l’EOS R recevra davantage d’information. Cela va permettre à l’EOS R de proposer des images plus nettes et de monter davantage dans les ISO.
- Les 30 Mpx permettront de recadrer plus facilement avec l’EOS R tout en conservant assez de pixels pour des images de qualité.
Les performances des ceux capteurs ont été examinées en détails par DXO (voir ici : 4000D et EOS R). De manière simplifiée, il en ressort qu’avec le 4000D vous pourrez prendre des photos avec un bruit « raisonnable » jusqu’à 700 ISO, contre 2750 ISO pour l’EOS R, soit 4 fois plus ! Cela signifie que, par rapport au 4000D, vous pourrez diminuer le temps de pose d’un facteur 4 avec l’EOS R et avoir une image d’aussi bonne qualité. Cela vous permettra par exemple de prendre des photos nettes à main levée avec l’EOS R alors qu’il vous aurait fallu un trépied avec le 4000D, ou alors de toujours réussir à figer le mouvement en sport alors que le 4000D sortira une image floue. Le capteur de l’EOS R est aussi meilleur pour capturer une scène présentant une forte dynamique (différence entre les zones les plus claires et les plus sombres).
Ces avantages sont évidemment présents pour le mode « automatique » (M) et les modes « semi-automatiques » (Tv, AV) : l’EOS R pourra continuer à prendre des « bonnes photos » largement après que le 4000D ait déposé les armes.
Viseur
Le 4000D est doté d’un viseur optique qui couvre seulement 95 % du champ : vous ne voyez pas 5% de l’image qui sera capturée (les bords). Ce n’est pas une catastrophe, mais vous aurez parfois des surprises en découvrant vos images. De son côté, l’EOS est un hybride dénué de viseur optique : lorsque vous regardez dans l’œilleton, votre œil est face à un écran (qui couvre évidement 100%). Ce sont deux technologies très différentes, mais qui permettent à l’EOS R de proposer deux fonctionnalités intéressantes :
- Ces deux boîtiers utilisent l’ouverture maximum de l’objectif pour faciliter la mise au point (l’ouverture réelle étant appliquée uniquement lors de la prise de vue par la fermeture du diaphragme). Cela implique qu’il est impossible au 4000D (comme à tous les DSLR) d’afficher l’exposition réelle de votre image. L’EOS R peut simuler l’exposition réelle, ce qui permet de se rendre immédiatement compte d’un éventuel mauvais réglage.
- L’EOS R étant un hybride, il n’a pas de miroir (utilisé par les DSLR pour renvoyer l’image vers l’œilleton). Or, ce miroir est bruyant lorsqu’il se relève et génère le fameux « clic-clac ». L’EOS R est donc plus silencieux (reste le bruit de l’obturateur). Il peut même être totalement silencieux en désactivant l’obturateur. L’obturation sera alors « électronique », mais ne conviendra pas à des scènes rapides.
Même si vous n’êtes pas fan d’un appareil hybride, un DSLR « haut de gamme » aura au moins un viseur optique couvrant 100% du champ, ce qui reste un confort non négligeable.
Autofocus
Le 4000D propose 9 points (des « collimateurs ») pour faire la mise au point, autant dire que la surface n’est pas énorme.
L’EOS R propose quasiment des points sur tout le viseur (toute la hauteur et pas loin de 90% de la largeur, avec en tout 5 655 points). En plus de ça, il est doté d’une méthode avancée permettant de les regrouper et d’un paramétrage assez fin de la méthode de suivi du mouvement. Même si un débutant ne voudra pas se pencher tout de suite sur ce sujet, les performances seront au RDV, même avec les réglages par défaut.
De plus, l’EOS R permet un « accrochage » de l’autofocus, même dans des conditions très sombre (EV-6, presque invisible à l’œil, à condition bien sûr d’avoir un objectif lumineux). De plus, tous les points fonctionnent jusqu’à une ouverture de f/11. De son côté, seul le collimateur central du 4000D pourra suivre dans des conditions de faible luminosité et seulement jusqu’à f/5.6 (donc il lui faudra 4x plus de lumière). Même si la plupart des objectifs ont une ouverture maximale de f/5.6, cette différence sera importante si vous voulez monter une grande focale à ouverture variable ou utiliser des « extenders ». Par exemple, les Tamron et Sigma 150-600 ont une ouverture maximum de f/6.3 à 600mm, tandis qu’un 70-200 f/4 avec un extender 2x (un « doubleur ») se comportera comme un 140-400 f/8.
L’EOS R propose également une fonctionnalité extrêmement pratique : il propose de sélectionner les collimateurs AF que l’on souhaite utiliser directement avec le doigt sur l’écran tactile. Œil collé au viseur électronique, il suffit de glisser son pouce sur l’écran tactile pour déplacer la zone de mise au point ! Un peu déroutant au début, c’est une méthode très rapide.
Si ces fonctionnalités sont surtout accessibles car l’EOS R est un hybride, un DSLR « haut de gamme » offrira bien plus de collimateurs (61 collimateurs pour le 5D Mark 4), et les collimateurs centraux fonctionnent avec des ouvertures plus faibles (jusque f/8 pour le 5D4).
Un appareil « haut de gamme » apporte donc un gain appréciable et directement exploitable par un « débutant ».
Budget
Dans cette partie, je vais comparer 2 choix de « trajectoires » pour un photographe : une approche progressive, sur une dizaine d’années, partant d’un matériel « entrée de gamme » comme le 4000D et aboutissant à l’achat d’un plein format comme l’EOS R, et une approche « directe », avec l’achat immédiat du même matériel.
Bien sûr les choix de boîtiers et d’objectifs ainsi que leurs prix d’achat et de revente peuvent être discutés à l’infini, mais je pense qu’ils sont représentatifs de la « vraie vie » de nombreux photographes. De plus, j’ai choisi de ne considérer que du matériel neuf. Évidemment, l’achat de matériel d’occasion constitue une piste intéressante pour réduire ses dépenses.
N’hésitez pas à donner votre avis et votre « parcours photographique » dans les commentaires :)
Approche progressive
Notre photographe va donc débuter par l’achat du 4000D avec son kit 18-55 à 350€. Un peu plus tard, il veut découvrir les grandes ouvertures pour les portraits avec un 50mm f/1.8 (120€) et il s’essaiera aux focales plus longues, avec le 70-300 f/4-5.6 (500€).
Après deux ans d’utilisation, les limites du 18-55 se font sentir. Il est quand même assez mou et il n’ouvre pas beaucoup. Après quelques recherches, notre photographe décide de faire un investissement et opte pour l’EF-S 17-55 f/2.8, un bijou qu’il achète à 750€. Le 18-55 est revendu pour 70€. De plus, les voyages sont sans appel : même à 17mm, tout ne rentre pas dans le cadre, il faut un grand-angle ! Notre photographe se décide pour un Canon EF-S 10-22mm à 500€.
Deux autres années ont passé. C’est maintenant au tour du boitier de montrer ses limites. Franchement, l’autofocus a du mal à suivre les petits cousins qui courent, et seule une photo sur 10 de la copine qui fait du basket en salle est exploitable. Notre photographe est décidé : la photographie est sa passion, il faut monter en gamme. Il se renseigne sur les forums et se rend bien compte qu’il lui faudra également une optique lumineuse en plus d’un meilleur boitier. Il décide alors de mettre le paquet sur l’objectif et s’offre l’EF 70-200 f/2.8 L II IS USM pour 1500€ (une marque tierce aurait été moins chère pour des performances proches, mais notre photographe s’est fait plaisir avec son bonus de fin d’année). Pour le boitier, ce sera le 850D neuf pour 900€. Les ventes du 4000D pour 150€ et du 70-300 pour 300€ permettent d’absorber un peu le choc.
Quatre années plus tard et ça y est, c’est le moment tant attendu : départ pour la Norvège et les aurores boréales. Pour ce voyage de rêve, le 850D ne sera pas suffisant. Il a un bon autofocus, mais sa montée dans les ISO sera vraiment limite. De plus, dans le club photo dont il est membre depuis 3 ans, notre photographe s’est découvert un attrait pour le portrait en lumière naturelle. Dans de bonnes conditions lumineuses, le 850D n’a pas à rougir de ses performances, mais quand les conditions sont plus difficiles, il faut multiplier les réflecteurs pour rester en dessous des 1600 ISO : pas toujours pratique. C’est décidé, c’est l’heure de passer au plein format ! Mais attention, par n’importe lequel puisque la copine de notre photographe pratique toujours le sport et, en tant que « photographe officiel » de l’équipe, il faudra conserver un bon autofocus. Après quelques semaines de réflexion et d’essais, d’hésitation entre le neuf et l’occasion et entre des boîtiers plutôt orientés « sport » et « portrait », notre photographe profite d’une opération promotionnelle de Canon pour acheter l’EOS R neuf à 1800€. Il semble être un bon compromis : sa rafale est moins bonne que le 5D mark IV, mais meilleur que son petit frère le RP. Il a aussi la fonction de mise au point sur l’œil, ce qui n’est pas le cas du 6D Mark II et du 5D Mark IV : pas indispensable, mais les résultats sont impressionnants avec des objectifs à grande ouverture. Le 850D est revendu pour 500€. L’objectif grand-angle EF-S 10-22 est revendu pour 200€ et l’EF-S 17-55 pour 450€, ils ne sont plus adaptés à ce boîtier. Pour son voyage, notre photographe s’offre un Tamron 17-35 f/2.8-4 neuf pour 550€. L’idéal aurait été le Canon 16-35 f/2.8 II, mais il est 3x plus cher… trop cher, il faut rester raisonnable ! Le Tamron 24-70 f/2.8 est acheté neuf à 900€ et vient remplacer le 17-55 (là encore, l’idéal aurait était un objectif Canon, mais ils sont hors de prix). Le 50mm f/1.8 quant à lui est revendu 70€ pour acheter un 85mm f/1.8 à 400€ et continuer le portrait avec le même champ de vision (un objectif de 50mm monté sur APS-C avec un « crop-factor » de 1.6x fournit un champ de vision équivalent à un objectif de 50*1.6=80mm monté sur un « plein format »).
Dans l’approche « progressive », notre photographe aura dépensé 6330€ pour s’équiper (8070€ d’achat et 1740€ de revente).
Achat direct
Dans cet univers parallèle, notre photographe décide d’acheter directement tout son matériel. Il dépensera donc 1800€ pour l’EOS R, 550€ pour le Tamron 17-35 f/2.8-4, 900€ pour le Tamron 24-70 f/2.8, 1500€ pour le Canon 70-200 f/2.8 L II IS USM et 400€ pour le Canon 85mm f/1.8.
Dans cette stratégie d’achat direct, notre photographe aura dépensé 5150€.
Variante « APS-C »
Pour ceux qui décideraient de rester sur un format « APS-C », le Canon 90D semble un bon candidat « haut de gamme ». Voyons ce que ça donne :
- Approche « progressive » : démarche identique sur les 4 premières années, mais notre photographe se contente de remplacer son 850D (revendu 500€) par un 90D (acheté 1200€). Il va ainsi conserver 17-55, 10-22 et 50mm. Le bilan sera alors de 4400€ (5620€ de dépense et 1220€ de revente).
- Approche « directe » : Achats du 90D (1200€), du 10-22mm (300€), du 17-55mm (750€), du 50mm (120€) et du 70-200 (1500€) pour un total de 3870€.
Bilan
Malgré des hypothèses que je juge assez optimistes sur les prix d’achat et de revente dans le scénario « progressif » et malgré l’achat d’objectifs neufs dans le scénario « direct », notre photographe aura dépensé 1200€ de plus (et 500€ dans la variante « APS-C ») en choisissant la voie « progressive ».
Conclusion
Un boitier « haut de gamme » présente de nombreux avantages par rapport à un boîtier « entrée de gamme », même pour un débutant. Un boîtier « haut de gamme » n’est pas plus difficile à utiliser en particulier grâce à la rédaction claire des manuels et à son ergonomie. Évidemment, un débutant n’en exploitera pas toutes les possibilités, mais l’apprentissage de la photo sera facilité par des performances de haut-niveau qui éviteront la frustration dans des situations difficiles et qui pourront même rattraper certaines erreurs.
Toutefois, acheter un tel matériel représente un investissement conséquent qui n’est pas à la portée de tous. Même si finalement l’approche « progressive » coûte plus cher, elle permet également de se découvrir une passion pour une pratique nécessitant du matériel un peu spécialisé (par exemple studio, portrait, macro, astrophotographie, sport, animalier). Par ailleurs, avec l’expérience, vous pourrez vous tourner vers le marché de l’occasion en connaissance de cause et faire ainsi des économies.
Mon conseil : si vous le pouvez et que vous avez une bonne idée du type de photos que vous aimez faire, achetez directement du matériel « haut de gamme ».
Crédits photos : @Nasa pour le cockpit de la navette spatiale, @Canon pour le reste.
Bonjour,
J’ai souvent assisté à des discussions de ce genre et sans plus grand intérêt dans lesquelles on ne conseille surtout pas du matériel « pro » à un débutant. Si on considère que la décision est mûrement réfléchie pour le futur photographe, mon constat est simple, ces conseils là émanent de ceux qui sont soit jaloux ou ont du mal à comprendre et assimiler un mode d’emploi/technique et considèrent que tout le monde doit être comme eux.
C’est évidemment stupide !
J’ai débuté avec un 7 DII (boitier expert, assez proche de la gamme pro, que j’ai vite complété avec un 5 DIII, pro cette fois-ci.
En prenant du temps pour tout je pars du principe de qui peut le plus, peut le moins. Du coup aucune restriction technique pour m’exprimer photographiquement.
Je me dis que s’il avait fallu passer par un 1er boiter pour débuter puis monter en gamme parce que trop bridé, primo j’aurais perdu du temps et secundo de l’argent à acheter un autre boitier.
Quand on sait ce que l’on veut en terme de passion, ce qui était mon cas, autant mettre son budget de suite pour s’équiper correctement.
Bon, maintenant j’en suis avec un 1DX III et de très grands blancs.
Du matériel « pro » ce n’est pas compliqué si on est passionné, c’est juste très complet et vous incite à sortir très vite du mode « tout auto » qui pour moi a duré ….. 1 week-end.
Vous êtes certain de continuer en photo, n’hésitez pas à mettre le budget en face vous gagnerez du temps et de l’argent.
Cordialement.
Bernard
Merci d’avoir partagé votre expérience !
Bonjour,
le comparatif est certes très intéressant mais je trouve que votre approche progressive n’est pas assez poussé, peut-être qu’un autre dossier serait judicieux ?
J’entends par là que vous détaillez très bien les points fort et faibles du 4000D mais en ce qui concerne le 850D au final, hormis les aurores boréales, on a du mal à comprendre quels sont les autres points faibles !
Vous évoquez certes le portrait et le bon autofocus pour continuer à photographier la bonne copine sportive mais le 850D devrait être capable de tenir la route pour cet usage, non ?
Bonjour,
Merci pour votre retour. Effectivement, il semble pertinent d’ajouter quelques exemples concrets de limitations. Concernant le 850D par exemple, le taux de déchets pourra être relativement important dans les gymnases et les sports avec des changements de vitesse et de direction rapide comme le handball (AF trop lent ou qui décroche).
Par ailleurs, le but de l’article n’est pas de comparer des modèles de boîtier en particulier. Il s’agit surtout de présenter différentes gammes de boîtiers et d’expliquer qu’un boîtier « pro » reste utilisable par « n’importe qui » et qu’il offre davantage de fonctionnalités et de meilleures performances. Ça mériterait probablement d’être précisé.